qui a tué Tunis


Qui a tué Tunis.


 Ou qui a tué la vision que j’en ai eue , car
présomptueusement cela voudrait signifier que j’ai bien connu la belle Tunis.
Mais ce que j’ai vu pendant cinq jours n’est pas l’égal de la vision d’autrui
ni celle que je percevrai demain ; cela ajouté à mes mots trop pauvres pour
retranscrire ce que j’ai pu ressentir  au
travers de mes origines, états , de par mes sens au grès de faits , de
rencontres , et de hasards . À se demander même quelle vérité la plume tenue
est en droit de revendiquer .

Béton mon cher béton , tu ne m’as laissé que quelques
palmiers en ruine. L’eau ne s’écoule même plus et stagne comme tache d’encre
sur tes reins solides. Pourvu de patch de carton emplâtré sur ton bitume en
guise de nuance .Tu ruisselles  à merveille la sueur de nos
caoutchoucs  circulant , nous projetant ses teintes sur nos bas de caisse
comme si nous ne faisions plus qu’un ma chère bitumée, quelle déesse fais-tu .

Je crois qu’en ce jour j’ai peut-être un aperçu de ces
attentes d’homme au café. J’ai pris une de ces rues aussi peu attractives que
possible  et un café aussi hasardeux que bleu , j’y est pris un café,
piquant et grimaçant, aromatisé d’âpre vétusté, j’ai pris une chaise face à la
sortie et à droite de mon voisin, tous les deux parallèles et face à la vérité
du dehors, contemplant Bitumés et habitués passants. Il ne faisait rien , pas
plus que moi ni les autres, quelques dizaines de minutes plus tard j’y ai vu
quelque chose, le temps qui passe et l’espoir d’y voir passer autre chose
s’amenuisant . Il n’y a d’autre pression que celle de l’expresso , le verre
vide s’enracine. Il est donc là le déroulement , celui pour qui ne compte même pas le dénouement. Je suis ressorti sous le poids voûte de trace ottomane et
édifices de  pères colons. Les larges hanches de pierres soutiennent les
rehausses de briques empilées cloisonnant certaines cours perdues d’où
ressurgit comme d’une pièce de théâtre le foisonnement du temps consacré à
Médina . Je pense être nostalgique de mon imagination. Des souks de senteurs
diffusent. Je m’accroche au passage à un paquet de café fraîchement moulu que
je garde au nez tout en fermant les yeux au milieu de cette amazone de
bibelots.

Tu la sens l’amertume, le doux caprice des grues
balayant les nuages calaminés, ces murs de taille, pierre délaissée comme
mendiant de Carthage. Trop pesante face à l’habit léger de tes sœurs rouge de
Kef.

 Sur le trajet pour Marsa l’image se superpose à
celle des voies ferrées du Caire, la peur d’y voir un futur Tunisien me hante.
Je n’ai rien vraiment lu sur la Marsa avant ma descente du train, mais je
connais ma direction , celle de Kobbet el haou, persuadé qu’elle ne pourrait
décevoir le cliché d’un vieux négatif. Le manque de plage de gris à mon arrivée
me fit patienter à l’étage d’un café non loin du bord de la plage . En entrant,
une petite liane de modernité rampait sur le mobilier vintage, comme quoi la
modernité n’est en rien une nouveauté . Mes regards se posent sur la
jeunesse métissée, chapeau rond et haut, moulant, Camel de l’autre côté de la méditerranée
retrouvant un nouveau souffle,  étudiant et formule essayant de se paver
un chemin sur l’occident .

En sortant je fis abstraction des emballages et de ces
ronds de jambe qui aiment à danser sur les bords de la méditerranée, il faut
dire que l’Homme est un meneur expert . Sur les pas sablés je m’attarde
derrière une femme et sa chaise blanche fixant le loin, le vague , ou
simplement l’horizon ; à ce moment je n’ai pu m’empêcher d’y voir une
correspondance aux chaises plastiques vertes des hommes attentifs . Au moment
de prendre la photo je n’y vis qu’un moment de détente , puis elle leva le bras
droit et d’un second geste lâcha du bout des doigts un sac plastique …je
n’ai pas pris le cliché. Je n’ai pu que trouver absurde de rester là à
contempler des heures durant et je suppose chaque jour faisant cette mer
porteuse et lui lâcher à la gueule un des prix Nobel du fléau . Quelque peu
résigné je l’ai tout de même pris en photo quelques minutes plus tard me
murmurant qu’à défaut d’être touchante elle n’en serait pas moins graphique.

 Mais j’essaye de garder en moi l’image des yeux de
la belle Tunis car ce nom lui va si bien , je me dis qu’un jour une légende
traversera les mers pour conter les histoires de Promoteur et d’ Élastomère
ruiné par son peuple de retour à ses terres et mers . 

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